« The Crossing » est une épopée esthétique et cathartique dans laquelle l'artiste franco-vietnamien Bảo Vương nous invite à embarquer.
Dès que nos regards effleurent les masses de peinture sculptées par l’artiste, l’émotion se fait jour, puis nous submerge au gré des reflets qui suivent nos déplacements dans l’exposition ; nous faisons corps avec cette matière épaisse, tumultueuse, tour à tour abrupte, généreuse, âpre, subtile et, contre toute attente, lumineuse. Devant l’immensité de l’horizon où se confondent la mer et le ciel, la beauté se révèle, la contemplation nous gagne, l’humilité s’impose.
La nuit des peintures de « The Crossing » nous renvoie à nos errements existentiels, aux épreuves traversées, aux peurs d’anéantissements, aux moments sombres que nous devons franchir. Si le point de départ est l’histoire personnelle de l’artiste, le travail de la lumière nous ramène à notre pouvoir de dépassement et de résilience.
« La traversée » de l’artiste devient la nôtre, individuelle, mais aussi collective. Ce passé collectif, comme une mer commune, nous porte avec espoir vers l’horizon, en nous faisant osciller entre ombre et lumière.
À travers nos allées et venues dans l’exposition « Coming Through », nos expériences intimes prennent sens dans la rêverie méditative de l’artiste. La dualité - présente en tout et en nous, dans nos joies et blessures, dans nos échecs et réussites, dans la vie et la mort - s’expose dans l’alternance des matières sombres et lumineuses présentes dans chacun des monochromes de Bao Vuong.
Braque disait : « L’art est une blessure qui devient lumière ». Avec « The Crossing », Bảo Vương le démontre avec justesse et enchantement.
C’est à la fin des années 1970 que Bảo Vương, alors âgé d’un an, est porté par sa mère pour fuir le Vietnam encore meurtri par la guerre. Sur un bateau de fortune, Bảo et 200 autres personnes vécurent pendant 11 mois en mer et en camps de réfugiés, comme des milliers d’autres exilés que l’on nomma par la suite les « boat people ».
Bien des années plus tard, après avoir été formé aux Beaux-Arts de Toulon (France), Bảo retourne dans son pays natal. Il y évoque alors les nuits de cette fuite en mer en peignant au couteau des œuvres totalement noires, entre abstraction et figuration, entre peinture et sculpture, entre ciel et mer.